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Actualités de mars 2025
TRAVAIL DE NUIT, congés payés, FORFAIT JOURS
La preuve du préjudice doit être apportée
Pour rappel : Depuis plusieurs années la Cour de cassation s’est alignée sur le droit commun de la responsabilité civile pour la réparation du préjudice imposant à la victime de prouver l’existence et l’étendue de son préjudice. Si diverses exceptions ont été admises par la jurisprudence qui applique le principe du préjudice nécessaire permettant au salarié de bénéficier d’une réparation automatique en cas de manquements de l’employeur (ex : temps de pause, maladie, maternité…), la Cour de cassation confirme son principe du préjudice prouvé dans ces nouvelles affaires.
LES FAITS AYANT DONNES LIEU AU LITIGE
Travail de nuit : Dans cette affaire, un salarié engagé en tant qu’agent de sécurité, passé à un horaire de nuit, n’a pas bénéficié de la visite médicale devant précéder l’affectation à un travail de nuit, ni d’un suivi médical régulier, prévu par une directive européenne, et par l’article L.3122-11 du code du travail.
Le salarié saisi le juge du fond pour obtenir des dommages-intérêts mais la cour d’appel déboute le salarié au motif qu’il ne démontrait pas la réalité et la constance de son préjudice.
Le salarié se pourvoi en cassation au motif que le seul constat du non-respect des dispositions protectrices en matière de suivi médical renforcé pour travail de nuit ouvre droit à réparation.
Congés payés : Dans cette affaire, une salariée, engagée en tant que gardienne, avait été empêchée par son employeur de prendre ses congés payés au titre de l’année 2016.
Elle saisit les juges du fond pour obtenir des dommages-intérêts reprochant à son employeur la violation de son obligation de sécurité, mais la cour d’appel ne fait pas droit à ses demandes au motif qu’elle ne précisait pas le préjudice résultant du manquement par son employeur à l’obligation de sécurité.
La salariée se pourvoit en cassation.
Forfait jours : Dans ces 2 affaires, deux salariés soumis à une convention de forfait jours, réclament, à la suite de leur licenciement, à leurs employeurs respectifs des dommages-intérêts en raison de l’irrégularité du forfait jours : l’un au titre de la nullité de la convention de forfait conclut sur la base d’un accord collectif non valide, car ne contenant pas de garanties suffisantes en matière de charge de travail, l’autre pour non-respect par l’employeur des dispositions conventionnelles sur le suivi de la charge de travail.
Ces demandes sont rejetées par les cours d’appel. Bien qu’elles reconnaissent l’invalidité des forfaits jours, elles estiment que les salariés ne justifient pas d’un préjudice subi autre que celui déjà réparé par l’octroi d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées.
Les salariés se pourvoient en cassation
SOLUTION DÉGAGÉE PAR LES COUR DE CASSATION
La Cour de cassation confirme les décisions des juges d’appel dans ces 4 affaires.
Travail de nuit : Le manquement de l’employeur à son obligation de suivi médical du travailleur de nuit n’ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice qui en résulterait afin d’en obtenir la réparation intégrale. La Cour de cassation souligne que le code du travail a prévu notamment des peines d’amende en cas de non-respect de certaines dispositions liées au travail de nuit (article R. 3124-15).
La Cour de cassation s’est appuyée sur la position de la Cour de justice de l’Union européenne qu’elle avait saisi le d’une question préjudicielle pour cette affaire. Selon la CJUE, le seul constat du non-respect des dispositions en matière de suivi médical renforcé du travailleur de nuit n’ouvre pas droit à réparation.
Congés payés : La Cour de cassation affirme que le manquement de l’employeur à son obligation en matière de droit à congé payé n’ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démonter un préjudice distinct qui en résulterait.
En effet, en cas de manquement de l’employeur à son obligation de garantir la prise des congés payés chaque année, les droits à congé du salarié sont soit reportés en cas de poursuite de la relation de travail, soit convertis en indemnité compensatrice de congé payé en cas de rupture du contrat de travail.
Forfaits jours : La Cour de cassation pose pour principe qu’une convention de forfait jours déclarée nulle ou privée d’effet ne constitue pas automatiquement un préjudice.
Le salarié pouvant prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre, il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui résulterait du manquement de l’employeur.
Dans ces 4 affaires, la Cour de cassation considère que les manquements de l’employeur n’entraînent pas à eux seuls une réparation automatique. Pour chacun, il existe déjà des sanctions propres à ces manquements. Les salariés doivent en conséquence démontrer avoir subi un préjudice distinct pour obtenir réparation.
Elle rappelle également que l’existence d’un préjudice ainsi que son évaluation relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.
Juriste
- 1 avril, 2025